12 août 2010

De l'imagination active.

Jung n'a pas gardé ses découvertes secrètes pour en tirer avantage : il a enseigné à nombre de ses patients ce dialogue avec l'inconscient dénommé par lui "imagination active".
Le principe de cette attitude consiste à laisser venir à soi tout ce qui émerge de l'inconscient : émotions, affects, phantasmes, pensées obsédantes, images oniriques à l'état de veille, en excluant l'attention critique, et à se confronter avec eux comme avec une présence objective. Ces éléments utilisent souvent un langage pathétique, "un mélange infernal de sublime et de ridicule". Le plus souvent le conscient en est tout d'abord choqué et il est tenté de tout rejeter en bloc comme absurde. Il peut se faire aussi qu'une crispation du conscient fasse naître de l'angoisse : "rien ne vient", ou que l'on passe trop profond dans l'inconscient et que l'on s'endorme. La confrontation vigile avec l'inconscient est l'essence de l'imagination active. Elle demande une attitude éthique à l'égard des phénomènes intérieurs. Faute d'une telle attitude, on succombe au principe de puissance et l'imagination devient destructive pour soi-même et pour les autres. Elle devient alors une sorte de magie noire. Les phantasmes peuvent prendre la forme de comptes rendus écrits, de dessins, de peintures ou (plus rarement) de danses. La conversation écrite est la forme la plus différenciée, celle qui, la plupart du temps, mène le plus loin.



Marie-Louise von Franz
C.G.JUNG, Son mythe en notre temps

De l'équilibre des principes masculin et féminin.

"La tâche du medecine-man, ajouta "  Laurens Van Der Post ", consiste à maintenir en équilibre les principes masculin et féminin dans la société. Il illustra son affirmation par l'histoire d'une jeune fille qui jette tous ses objets de valeur dans l'eau. Ce sacrifice lui vaut de recevoir en retour, d'une "vieille femme" qui habite dans l'eau, la bénédiction et la fécondité pour elle-même et pour son peuple. De même, commente le conférencier, Jung a jeté à l'eau la science de notre temps et de bien des civilisations, ce qui lui a permis d'assumer à nouveau auprès des hommes le rôle de medecine-man. La jeune femme aveugle rencontrée par lui est le principe féminin rejeté par l'esprit moderne et ainsi privé de la vue. Le voyage de Jung dans l'au-delà présage une nouvelle naissance de notre monde, tout comme celui de Dante anticipait l'esprit de la Renaissance. Pourtant l'expédition de Jung conduit plus profond et plus loin que celle de Dante, ce qui traduit la crise profonde de l'esprit de notre temps."



Marie-Louise von Franz
C.G.JUNG, Son mythe en notre temps

6 août 2010

Animus et Anima.

Après que les aspects "inférieurs" du moi ont été rendus conscients et intégrés, on voit généralement apparaître, dans l'inconscient, la figure du sexe opposé. Si la conscience accorde la prédominance à l'aspect de logos de la vie, comme c'est généralement le cas chez l'homme, l'aspect d'éros est personnifié dans les rêves par des figures féminines, et, inversement, lorsque le moi accorde la suprématie à l'élément éros de la vie, ce qui est le plus habituel chez la femme, on voit se présenter des personnifications masculines. Les images inconscientes du sexe opposé sont désignées par Jung du mot d'anima chez l'homme et d'animus chez la femme. L'anima manifeste sa présence chez l'homme, principalement sous forme d'humeurs ou de dispositions d'âme, de phantasmes érotiques, d'impulsions ou de désirs de vivre; l'animus chez la femme apparaît plutôt comme impulsion à agir, initiative, discours, opinions, convictions ou idées autonomes. Ces composantes sexuelles de la personnalité forment un pont permettant la relation avec l'autre sexe (la plupart du temps sous forme de projection); mais elles constituent également un obstacle notable à la compréhension du partenaire ou de la partenaire. En effet l'anima provoque habituellement une irritation chez l'homme et l'animus chez la femme et c'est en cela que réside la fameuse inimitié des sexes. La plupart des difficultés conjugales ont là leur source.



Marie-Louise von Franz
C.G.JUNG, Son mythe en notre temps

5 août 2010

Le médecin est "le moyen par lequel la nature est introduite dans l'oeuvre".

Les maximes de Paracelse citées par Jung peuvent à bon droit s'appliquer à lui-même: "Là où il n'y a pas d'amour, il n'y a pas d'art". "Ainsi le médecin doit être saisi d'une compassion et d'un amour semblables à ce que l'on croit être ceux de Dieu vis-à-vis de l'homme". Le médecin est "le moyen par lequel la nature est introduite dans l'oeuvre". Ce que fait le médecin n'est pas son oeuvre. "L'exercice de cet art a sa place dans le coeur; si ton coeur est faux, le médecin en toi aussi est faux."


Marie-Louise von Franz
C.G.JUNG, Son mythe en notre temps

Le médecin est ainsi un herméneute,

Le médecin est ainsi un herméneute, un traducteur et un interprète des messages symboliques des rêves que le patient conçoit dans la nuit de sa profondeur.
L'action de Jung rejoint à cet égard celle des anciens chamans et des medecine-men. Ceux-ci cherchent également, par leurs propres méthodes (transes, techniques oraculaires, etc.), à discerner ce que les "esprits", c'est-à-dire l'inconscient activé ou certains complexes, veulent des malades, pour les apaiser ensuite par des rites correspondants: expiations, sacrifices, etc., ou, lorsque ces esprits ne peuvent se rattacher à la personnalité consciente, pour les chasser.
Le chaman ne peut le faire que parce qu'il a lui-même affronté le monde des esprits, l'inconscient, au cours de sa maladie initiatique, et que, pour cette raison, il comprend le langage des esprits et des bêtes.
Il ne guérit pas par lui-même, il ménage la rencontre curative avec les puissances divines.


Marie-Louise von Franz
C.G.JUNG, Son mythe en notre temps